Covid19 | Courrier d’Olivier Faure
à Emmanuel Macron
Parti Socialiste 74
À la veille de l’intervention d’Emmanuel Macron

Le Courrier :

Le contenu :
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, ma famille politique a fait le choix d’être utile aux Français. Nous avons collectivement décidé de renvoyer au lendemain de cette crise le temps du bilan et des leçons à tirer. L’heure est à la responsabilité et, plus que jamais, à la vérité pour surmonter cette catastrophe inédite.
La période de confinement va, à l’évidence, se prolonger. Nous aurions pu gagner en adhésion si l’annonce en avait été faite dès le début de la crise. Nombreux parmi nos concitoyens ont espéré un confinement de courte durée, suivi d’un retour rapide à la normale. Il n’en sera rien. Notre pays doit à présent prendre des engagements pour garantir, dans l’épreuve, la cohésion d’une Nation. C’est le sens, Monsieur le Président de la République, de ce courrier.
Un débat se profile. Monstrueux. Il faudrait choisir entre des vies et des emplois, entre notre santé et notre économie. Il vous appartient de rassurer les Français sur le fait que votre arbitrage demeurera celui de votre première allocution : protéger « quoi qu’il en coûte ». Cela suppose que les conditions du déconfinement soient parfaitement établies et que tous les risques soient préalablement évalués en évitant des décisions prématurées.
L’épidémie a battu un record macabre ce dernier vendredi.

Il est donc impérieux de faire toute la transparence sur les conditions du déconfinement, sur les critères retenus pour le déclencher, comme sur les modalités de sa mise en œuvre. Plusieurs questions appellent d’ores et déjà des réponses claires.
- Quel est l’état de nos commandes de masques ? Quelles sont les dates de livraison et en quelle quantité ? Quelle est la proportion de masques FFP2 pour protéger prioritairement nos soignants alors que 3 000 d’entre eux ont déjà été contaminés ? À quelle date serez-vous en mesure de fournir des masques à toutes celles et tous ceux qui continuent à travailler ? Plus largement, quand prévoyez-vous d’équiper tous les Français ? Puisque le virus, selon toute vraisemblance, ne disparaîtra pas rapidement, quelles dispositions sont prises pour mobiliser et, lorsque nécessaire, réquisitionner les entreprises industrielles capables de contribuer à l’approvisionnement massif dont nous allons avoir besoin, et qui ne saurait dépendre exclusivement de la Chine qui n’est elle-même pas à l’abri d’un rebond épidémique ?
- Les mêmes questions se posent pour la production de tests. À quelle date estimez-vous qu’elle sera suffisante pour accompagner la sortie progressive du confinement ?
- En quelle quantité des locaux ont-ils été prévus pour accueillir les personnes porteuses du virus qu’il faudrait isoler afin d’éviter toute nouvelle contamination ? Les collectivités locales sont prêtes à accompagner l’État dans cet effort.
- S’agissant du traitement du Covid-19 par l’hydroxychloroquine, quel sens faut-il donner à votre entrevue avec le professeur Raoult, que vous avez souhaité rendre publique alors que vous aviez, jusqu’ici, donné le sentiment de vous en remettre aux essais cliniques de la mission « Discovery » ?
- Concernant la recherche d’un vaccin, quel soutien l’État entend-il apporter aux équipes déjà à l’œuvre et quelles sont les coopérations internationales engagées pour surmonter les querelles d’ego, de brevet et d’argent ?
- Une sortie progressive du confinement est-elle toujours privilégiée ? Par ville ? Par région ? Par âge ? Quelles en seraient les modalités concrètes pour filtrer les allées et venues ? Quelles solutions seraient envisagées pour les foyers où cohabitent plusieurs générations ?
La transparence n’est plus une option. Les variations sur l’utilité des masques et des tests sont dans toutes les mémoires. C’est aujourd’hui la parole de l’État, sa crédibilité, qui sont en jeu.

Aucun territoire ne saurait être stigmatisé alors que les études démontrent que le non-respect du confinement est aussi répandu, voire supérieur, dans les zones habitées par des populations plus favorisées économiquement.
Dans notre pays, 6e puissance économique mondiale, une part de la population ne se nourrit plus à sa faim. Les étudiants qui bénéficiaient des repas au Crous ne peuvent plus s’y rendre ; de nombreux enfants, pour lesquels le seul vrai repas quotidien était celui de la cantine, n’y ont plus accès. Des livreurs payés à la course voient leur revenu s’effondrer et se privent de manger. Dans de nombreuses familles, le confinement aggrave non seulement l’injustice sociale, les difficultés scolaires mais aussi les violences intrafamiliales.
Votre responsabilité, c’est d’ouvrir les droits à l’assurance-chômage dès deux mois d’affiliation, de revenir sur les six mois exigés depuis novembre, et de supprimer définitivement votre réforme de l’assurance- chômage, fabrique infernale à précarité. Il est temps de décider, aussi, que le versement de la prime d’activité des mois de janvier et février se poursuivra chaque mois pendant le confinement.
Votre responsabilité, c’est de ne pas laisser les collectivités, admirables dans cette crise,assumer seules.

La solidarité du quotidien passe par les élus locaux. Je vous demande de mieux associer les collectivités locales à sa mise en œuvre.
S’agissant du chômage partiel, je réitère ma demande d’indemnisation des salariés à 100 % jusqu’à 2,5 SMIC.


L’intervention de l’État est nécessaire pour faire face à la récession. Elle est même saluée par vos ministres qui, pourtant, n’ont eu de cesse depuis trois ans de diminuer ses moyens et sa capacité d’action. Réjouissons-nous de cette prise de conscience, créons les conditions pour qu’elle ne s’évanouisse pas.
Ne faisons pas croire, en effet, que les engagements actuels sont suffisants. Le détail de ce plan relève ses faiblesses (2 % du PIB) et comporte des clauses beaucoup trop vagues sur les dépenses éligibles, leur durée et les remboursements.
Au-delà, je vous demande de mettre tout le poids de la France dans une série de discussions avec nos partenaires européens sur la monétisation des dettes de sauvetage ; sur le parti à tirer de la mobilisation des outils d’intervention à la disposition de la BCE ; d’ouvrir le débat sur des annulations de dettes en échange d’investissements équivalents dans les biens essentiels et la transition écologique, et sur le lancement indispensable de « coronabonds ».
contre les inégalités sociales, territoriales, et l’impératif climatique et écologique.
Je réitère ma demande que ce plan de « mutation» s’accompagne d’une reconnaissance réelle et concrète envers tous les métiers que le système économique avait mis dans l’ombre (caissières, livreurs, infirmières, urgentistes…) et qui tiennent depuis des semaines – et en réalité depuis bien plus longtemps – le pays à bout de bras.
Cette crise agit comme le révélateur de toutes les incohérences, les injustices, les inégalités du système actuel. Sa résolution doit révéler notre humanité.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.